Lettres non-écrites

« Si vous avez un jour voulu écrire une lettre à quelqu’un sans jamais le faire,
parce que vous n’avez pas osé, pas su, pas pu, ou pas réussi à aller jusqu’au bout,
racontez-la-moi et je l’écris pour vous.
Nous passerons 35 minutes ensemble pendant lesquels vous me raconterez
cette lettre non-écrite. Je passerai ensuite 45 minutes à l’écrire pour vous. Une
fois la lettre écrite, je vous la lirai.
Si elle vous convient vous pourrez la garder (sous quelque forme que ce soit), et
sinon, je l’effacerai et n’en garderai pas trace. Enfin, si elle vous convient et que
vous acceptez j’en ferai peut-être quelque chose au théâtre, étant entendu que
toutes les lettres seront rendues anonymes. »
C’est à partir de ce postulat que j’ai commencé. Le projet des Lettres non-
écrites se poursuit depuis, ville après ville. Les sessions d’écriture ont toujours
lieu sur une journée, puis en début de soirée nous préparons avec une partie de
l’équipe de la compagnie Lieux-Dits une forme théâtrale construite à partir de
ces lettres. Une dizaine lues chaque soir, où nous mélangeons les lettres du jour
avec celles d’autres villes, ajoutons des Parisiennes à Orléans, des Arlésiennes à
Saintes, des Toulousaines à New York, et des New-Yorkaises à Lorient.
Il s’agit d’une forme de création volontairement courte, rapide, incomplète,
construite en quelques heures. Pour dire, entre autres choses, que les théâtres
peuvent accueillir ça aussi, la possibilité de venir parler, se faire écrire quelque
chose, s’entendre avec soi dans le monde.
Une forme de communauté des mots invisibles se construit au fil des lieux. Une
communauté de maux, aussi, qui traverse le temps.
David Geselson